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L’épuisement professionnel est l’aboutissement d’un processus qui se déroule le plus souvent en différentes étapes relativement bien identifiables; cela permet un dépistage et, éventuellement, des actions préventives. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

voir le mille-pattes pour une liste de symptômes et une autoévaluation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

voir ici pour une liste des habiletés des gestionnaires

 

 

 

 voir Attitudes augmentant les risques d'épuisement professionnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir Les petites compulsions et la santé

 

 

 

 

 

 

 

 

 voir Le mythe de la performance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

voir  À qui la surcharge?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépister l’épuisement professionnel : Quelques balises (première partie)

Paru dans Travail et Santé, vol 21 no1, mars 2005, révisé en février 2017

Par : Jacques Lafleur, psychologue

 

Quels sont les signes précurseurs de l’épuisement professionnel? Comment en dépister l’imminence? Le succès du dépistage et de la prévention de ce processus qui évolue sur plusieurs mois, voire quelques années, requiert une intervention de l’individu, de son milieu de travail et de ses proches. Ce premier article décrit brièvement l’épuisement et propose quelques balises pour le dépister au niveau organisationnel.

 

L’épuisement professionnel est l’aboutissement d’un processus qui se déroule le plus souvent en différentes étapes relativement bien identifiables; cela permet un dépistage et, éventuellement, des actions préventives.

Tout au long de ces étapes, le candidat à l’épuisement vit de plus en plus de stress lié aux «choses qu’il a à faire» et qu’il n’arrive pas vraiment à accomplir. Ce stress survolte continuellement son système nerveux sympathique, si bien qu’il éprouve de plus en plus de symptômes, physiques et psychologiques. Avec le maintien du stress à un niveau élevé, certains de ces symptômes s’intensifient et des signes graves et inhabituels surviennent : on est alors près du moment où l’individu devra s’absenter du travail, le plus souvent pour de longs mois.

Au niveau du dépistage, on peut donc :

  1. Identifier les personnes qui vivent énormément de stress à tenter de «livrer la marchandise»;

  2. Vérifier si elles ressentent beaucoup de symptômes de stress et voir si ces symptômes ont augmenté en nombre et en intensité durant les derniers mois;

  3. Vérifier si des signes alarmants se sont déjà produits.

1. Les personnes à risque. L’épuisement survient le plus souvent chez des gens performants, serviables, qui ont du cœur, pour qui l’accomplissement de la tâche passe avant tout, notamment avant le repos et la santé. Le signe qui indique que l’épuisement se rapproche est qu’ils deviennent de plus en plus obsédés par leurs tâches professionnelles et domestiques. Ils n’arrivent plus à «décrocher» de ce qu’ils ont à faire, hantés par la peur de ne pas pouvoir être à la hauteur.

2. Les symptômes de stress. Rendus près de l’épuisement, les gens sont très tendus. Ils ont les poings ou les mâchoires serrés, des points dans le dos et sont incapables se détendre. Ils sont fatigués dès le réveil, dorment mal, font des cauchemars, ont de très nombreux problèmes physiques tels que des allergies, une digestion difficile, de la constipation ou des diarrhées, des maux de tête ou de dos, une hausse de la tension artérielle, des étourdissements, des engourdissements des extrémités, etc. Sur le plan psychologique, ils perdent la joie de vivre, voient la vie comme une corvée, perdent confiance en eux-mêmes, se sentent continuellement pressés, ont des difficultés de concentration ou de mémoire, sont découragés  voire désespérés , se sentent constamment anxieux et parfois angoissés, pleurent pour des riens.

3. Les signes alarmants. En plus de ces symptômes devenus habituels, certains signes exceptionnels se produiront : les gens se sentiront vraiment «au bout du rouleau», auront une attaque de panique, feront une «crise de nerfs», vomiront de façon incoercible pendant quelques jours, auront des moments de tachycardie, feront des gestes destructeurs bien malgré eux, etc. Si rien n’est alors fait pour remédier à la situation, ils seront très bientôt incapables de vaquer à leurs occupations, et ce pour de long mois.

Le rôle de l’organisation

Au niveau du dépistage, une organisation pourrait se doter d’un PAE ou d’un service de santé capable de poser les bonnes questions aux gens qui les consultent. Elle pourrait aussi former ses gestionnaires ou des aidants naturels à faire ce dépistage de façon informelle. Elle pourrait sensibiliser son personnel à l’épuisement et à ses signes avant-coureurs dans un journal interne ou offrir une conférence ou un atelier sur le sujet. Elle pourrait aussi s’assurer qu’il n’existe pas de liens entre certains cas répertoriés au sein de l’entreprise : des gens qui auraient travaillé à un même poste, dans un même service ou pour un m ème gestionnaire, par exemple.

Les gens à risque pourront être aidés sur un plan personnel à changer certaines attitudes connues sous les vocables de sauveurs, superwoman, perfectionnistes, carriéristes, ou hyper-responsables.

Sur le plan organisationnel, on mettra en place des échéanciers plus réalistes, on procédera à un allègement de la tâche ou on offrira un soutien approprié en personnel et en outils de travail.

Un effort organisationnel de dépistage pourrait donc permette de mieux endiguer l’épuisement professionnel. Cet effort devra cependant s’accompagner de stratégies concrètes de prévention, car on sait bien qu’il y a loin du dépistage à la prévention.
Ces stratégies préventives auront d’autant plus d’impact qu’elles s’appuieront sur un effort concerté des personnes à risque et des organisations qui les emploient. 

 

Prévenir l’épuisement professionnel : Quelques balises. (deuxième partie)

Paru dans Travail et Santé, vol 21 no2, mars 2005, révisé en février 2017


Par : Jacques Lafleur, psychologue

 

Le succès du dépistage et de la prévention de l’épuisement professionnel requiert des interventions éclairées et courageuses de la part de l’individu et de son milieu de travail.

 

L’épuisement professionnel est l’aboutissement d’un processus d’augmentation et de diversification des symptômes de stress, tels que la fatigue constante, l’insomnie, l’irritabilité, la perte de concentration, des moments d’angoisse, la perte de la joie de vivre, le sentiment d’être au bout du rouleau, etc. Ce processus se déroule sur de nombreux mois. En dernière étape, la personne est en arrêt de travail, incapable de vaquer à ses occupations quotidiennes. C’est ce que nous voulons prévenir.

L’autoévaluation des symptômes précurseurs de cette dernière étape à partir de questionnaires, de formations ou de conférences, ou encore le constat de ces symptômes par les pairs, le gestionnaire, le PAE ou le service de santé pourraient permettre de repérer les personnes qui frôlent l’épuisement professionnel.

Une fois les candidats à l’épuisement conscients des risques qu’ils courent, des actions préventives peuvent être menées au niveau personnel et au niveau organisationnel. Ici, cependant, les choses se corsent. Car, comme il est difficile pour les personnes souffrant de maladies cardiaques de changer de façon durable leurs habitudes alimentaires et de sédentarité qui, pourtant, risquent de leur faire perdre la vie dans un avenir immédiat, il est souvent hors de question pour une personne au bord de l’épuisement d’accepter de placer sa santé en tête de liste de ses priorités.

C’est justement parce qu’il veut réussir coûte que coûte, à tout prix, que le candidat à l’épuisement s’est rendu à cet état d’exténuation avancée, dans un contexte de travail qui n’est pas ou plus favorable à cette réussite qu’il désire par ailleurs plus que sa santé, parfois plus que tout au monde. Le plus souvent, il refuse de croire qu’il va tomber au combat; il continue d’espérer qu’il s’en tirera à meilleur compte, qu’il finira par reprendre le dessus sans devoir lâcher prise sur rien.

D’un côté organisationnel, on peut boycotter la prévention en continuant de demander, voire d’imposer malgré tout une performance devenue dangereuse aux personnes manifestement à risque d’épuisement professionnel. Cela sous prétexte qu’on a absolument besoin d’eux. L’attitude contraire et méprisante selon laquelle «on n’a pas besoin des gens qui ne peuvent tenir le coup» a aussi comme effet pervers de forcer les candidats au burnout à continuer de tout donner, sans considération pour leur santé fléchissante.

 

La responsabilité de l’individu et celle de l’organisation

Il n’y a pas 56 façons d’éviter la panne d’essence quand on constate que le réservoir de la voiture est presque vide: il faut remettre de l’essence ou s’arrêter. Dans le cas de l’épuisement, cela signifie qu’il faut absolument se redonner de l’énergie si on veut éviter la panne de santé, la maladie, le burnout devenus imminents. Et, pour ce faire, on doit nécessairement prendre beaucoup de repos physique et mental, et ce rapidement, tout en évitant de continuer de dépenser son énergie en obsession de la réussite, avec les comportements devenus exténuants qui accompagnent cette hantise. À court terme, il faut lâcher prise. Les médicaments et les vitamines ne soigneront rien : si la dépense d’énergie ne baisse pas de façon draconienne, ils ne serviront qu’à retarder le moment où l’individu va «tomber».

Dans le meilleur des mondes, l’individu et son organisation coopèrent. L’individu demande  ou accepte  une diminution temporaire de sa tâche, une diminution du nombre de ses journées de travail hebdomadaires ou encore un court arrêt de travail qui lui permettra de reprendre des forces. Plutôt que de continuer à presser le citron, l’organisation le soutient dans cette démarche. Idéalement, à ce point, l’individu consulte des professionnels de la santé qui peuvent le guider pendant quelque temps, car il peut très facilement se forcer à reprendre le collier bien avant d’avoir suffisamment refait le plein. «J’ai repris trop tôt», voilà un regret que nous entendons souvent dans nos bureaux de la part d’individus qui devront cette fois-ci attendre des mois avant de retrouver l’énergie et la concentration nécessaires à effectuer leur travail.

La consultation préventive s’impose d’autant plus que l’individu devenu à risque devra accepter de prendre du mou chez lui aussi; les exigences de la vie à la maison auront en effet contribué d’une façon parfois importante à sa déperdition d’énergie vitale. L’épuisement résulte toujours de la dépense d’énergie d’adaptation totale de la personne, c’est-à-dire aux niveaux professionnel, personnel et familial, en proportions différentes pour chaque personne.

Finalement, la consultation devrait non seulement soutenir l’individu dans son urgent besoin de refaire ses forces, mais aussi l’aider à changer les attitudes et les comportements qui le rendent à risque de s’épuiser vraiment, ou à risque de récidive s’il est trop tard pour la prévention.

Bien que nous ayons abordé ici l’épuisement sous l’angle des difficultés individuelles à mettre la priorité sur la santé, il va de soi que la réussite professionnelle est devenue plus difficile à peu près partout et que les organisations ont à réviser certaines politiques et certaines valeurs si elles veulent vraiment agir en prévention primaire en ce qui concerne les maladies liées au stress excessif. Nous explorerons cette avenue dans le prochain numéro.

 

 

Prévenir l’épuisement professionnel : Quelques balises. (Troisième partie)

Par : Jacques Lafleur, psychologue

Paru dans Travail et Santé, vol 21 no3, mars 2005 , révisé en février 2017

 

Même si son processus organique est plus subtil, le stress excessif au travail rend malade tout autant que les planchers glissants, la machinerie vétuste ou les gestes répétitifs. Il est grand temps que nous en prenions conscience et que nous redonnions à nos organisations une direction plus respectueuse des besoins psychologiques fondamentaux — amour, appartenance, reconnaissance, coopération, réussite, respect des valeurs — qui nous habitent tous.

La majorité des personnes qui ont vécu un épuisement professionnel expliquent leur maladie par les difficultés qu’elles ont eues à composer avec une charge de travail trop élevée, alors que le soutien organisationnel leur faisait nettement défaut. Elles avouent que leurs difficultés à dire non ou leur perfectionnisme a joué un rôle important, mais elles accusent aussi leur organisation d’avoir abusé d’elles.

Si on veut prévenir l’épuisement professionnel  ainsi que les autres maladies liées au stress excessif  , on devra donc proposer une charge de travail correcte et un contexte plus humain dans l’ensemble de l’organisation, tout en se dotant de certains outils pour repérer et aider les personnes dont le stress est très élevé. Ainsi, les gens auront le sentiment d’être utiles, de réussir et d’être appréciés, toutes conditions qui favorisent le bien-être et la motivation au travail plutôt que l’épuisement.

La dynamique du stress

Le stress est une réaction organique normale qui favorise l’adaptation aux demandes de l’environnement et la réalisation des buts personnels. Le stress dit positif amène l’individu à se mobiliser pour atteindre ses buts ou pour répondre à ce qui lui est demandé, après quoi il se sent satisfait et serein. Cette première forme de stress, qui suit le cycle confiance en soi, action, réussite et sérénité, est saine.

Mais quand l’individu doute de ne jamais pouvoir réussir à répondre à ses besoins essentiels ou à ce qui lui est demandé, la réaction de stress implique un taux chroniquement élevé des hormones des stress, l’ACTH et le cortisol. À moins que la personne ne lâche prise, leurs taux respectifs demeureront élevés tant que le but ne sera pas atteint. Lorsque, malgré des efforts intenses et soutenus, ce but reste hors de portée, le taux de cortisol augmente encore davantage et l'axe sympathique du système nerveux autonome devient survolté. Cette réaction physiologique aggrave les difficultés apparues plus tôt, comme l’insomnie, la fatigue intense, les problèmes cardiovasculaires, digestifs ou cutanés, les difficultés de concentration ou les pensées obsédantes. En bout de ligne, le corps s’épuise et la personne se retrouve malade, physiquement ou mentalement.

Tout ce qui favorise l’atteinte des buts a donc un effet positif sur l’individu, alors que tout ce qui empêche la satisfaction véritable malgré des efforts intenses et soutenus le prédispose à la maladie.

Le stress organisationnel

L’évolution du travail, durant les trois dernières décennies, a tourné autour de l’idée de faire plus avec moins. Passé un certain point, cette logique rend les objectifs professionnels inatteignables; faute de ressources suffisantes,il devient en effet irréaliste de croire qu'on peut venir à bout de la surcharge de travail. De plus, la qualité est sacrifiée à la quantité, les félicitations se font rares et la véritable satisfaction disparaît. L’omniprésente pression fait en sorte que le climat se détériore. La sécurité d’emploi est menacée, les restructurations se succèdent à un rythme effarant. Toutes ces conditions favorisent la montée du stress négatif.

Si, devant cet état de fait, certaines personnes se désinvestissent de leur travail, d’autres tentent encore de toutes leurs forces de tout accomplir et d’être appréciées. Ces dernières sont à risque de maladie ou d’épuisement.

La prévention primaire

La prévention primaire de l’épuisement professionnel et des autres maladies liées au stress excessif suppose l’application d’une série de principes simples à suivre dans un contexte de travail sain. Cependant, ces principes sont plus difficiles à respecter quand la pression augmente. La prévention primaire est fondée sur :

Une mission organisationnelle utile et partagée ;

  • Des politiques et des relations de travail justes, équitables ;

  • Une grandeur de tâche et des échéanciers réalistes, permettant la réussite en quantité et en

    qualité;

  • Un soutien suffisant à la réalisation des mandats qui sont confiés ;

  • Une latitude décisionnelle suffisante et motivante, une confiance éclairée aux gens ;

  • La reconnaissance et l’appréciation des efforts accomplis;

  • Une bonne écoute face aux problèmes de travail que vivent les gens, et une manifestation

    concrète de bonne volonté dans la résolution de ces difficultés ;

  • Le respect des compétences : la bonne personne au bon endroit ;

  • Un avenir désirable, alliant une certaine sécurité et des possibilités de développement ;

  • Une certaine stabilité de la structure du milieu de travail ;

  • Le respect de la vie personnelle et familiale des gens ;

  • Des marques sensibles permettant à chacun de savoir qu’il est apprécié.

    Des deuils, certes, mais aussi un virement de cap organisationnel

    Le monde du travail a changé et il continuera de le faire. Chacun a donc des deuils à faire en ce qui concerne le contexte plus facile qui prévalait dans les années 70. Mais le stress au travail est de plus en plus une cause de maladies graves engendrant de longues invalidités. Les leviers de prévention de ces maladies n’appartiennent ni aux médecins ni aux psychologues qui traitent les gens: ils sont entre les mains des décideurs dans les organisations. La meilleure façon de prévenir l’épuisement professionnel au niveau organisationnel consiste à donner aux gens le soutien nécessaire à atteindre des objectifs professionnels stimulants et réalistes. Les organisations ont tout à y gagner.