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Cet article décrit comment les organisations peuvent faire des efforts pour prévenir l'épuisement professionnel. Il décrit des niveaux d'action et dresse une liste des habiletés que pourraient développer les gestionnaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par exemple: occasions de stress au travail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

avec, par exemple, le test du mille-pattes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

voir par exemple À qui  la surcharge?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Prévenir le stress excessif au travail: l’autre côté de la médaille. (habiletés des gestionnaires)

Paru dans Travail et santé vol 23 no 1, mars 2007, révisé en février 2017

Par Jacques Lafleur, psychologue

 

 

La prodigieuse progression des invalidités de longue durée et de l’absentéisme tout court, mises en relation avec l’augmentation du stress et la diminution de la satisfaction au travail doit interpeller quiconque est soucieux de la santé en milieu de travail. D’une certaine façon, la détérioration des contextes de travail doit aussi poser question à toute personne intéressée au développement de la société, puisque nous sommes à une étape où le travail, un élément fondamental de l’équilibre de vie, de la santé et du bonheur de chacun, est en train de devenir pathogène.

Quand cette question est abordée dans une organisation, les pistes de solution les plus souvent retenues tournent autour de l’instrumentation des individus à mieux supporter le stress. Les sources organisationnelles de ce fléau, quoique relativement bien identifiées dans tous les colloques où l’on parle de santé mentale au travail, sont laissées de côté, un peu comme si on n’y pouvait rien ou si on avait trop de choses à faire pour s’en occuper. On préfère encore laisser le mal grandir et déléguer à ses victimes le soin de remédier à leurs « faiblesses ». C’est là une perspective réductrice malsaine, bien que la plupart des individus aient sûrement à gagner à mieux prendre soin d’eux-mêmes. Nous nous intéresserons à quelques-unes de ces solutions individuelles dans un prochain numéro.

À la suite des articles parus précédemment sur le diagnostic du stress chez les individus (Le diagnostic du stress: première étape du traitement et vol Évaluer votre niveau de stress à l'aide du mille-pattes, j’aborde ici les principales stratégies qu’une organisation pourrait mettre de l’avant pour se remettre sur la bonne voie en ce qui concerne le mauvais stress. Ces stratégies sont loin d’être «nouvelles», «améliorées», «performantes» ou  «éblouissantes». Elles nous ramènent simplement à des choses «ordinaires», validées par la psychologie, connues depuis longtemps et tout à fait applicables encore de nos jours : elles prônent que le contexte de travail est sain quand une organisation et ses employés travaillent ensemble à atteindre des objectifs stimulants et réalisables, dans le respect les uns des autres.

Pour rendre les choses simples, nous aborderons les différents thèmes de redressement proposés en nous mettant dans la peau d’un gestionnaire qui souhaiterait s’interroger sur ses aptitudes à gérer le stress organisationnel dans son équipe. Le gestionnaire en question pourrait œuvrer à n’importe quel niveau de la hiérarchie puisque l’approche est relativement la même et demande une certaine cohésion d’un niveau à l’autre. Il va de soi que nous avons conscience que les gestionnaires sont eux-mêmes à haut risque de stress excessif ; nous ne voulons pas leur faire porter l’entière responsabilité de la dégradation de la santé au travail liée au stress. Ils trouveront dans les items présentés plus bas plusieurs suggestions destinées à les aider à mieux réfléchir à leur propre condition. Par ailleurs, ils restent les personnes-clé dans la création d’un milieu de travail plus sain et nous devons pouvoir compter sur eux.

 

Stratégies organisationnelles de réduction du mauvais stress

Le gestionnaire qui veut réduire le stress excessif au travail et prévenir les problèmes et invalidités qui y sont associés peut agir à trois niveaux, et ce, autant pour lui-même que pour l'équipe qu'il dirige:

1. LA SENSIBILISATION
2. LE REDRESSEMENT PRÉVENTIF

3. L'AJUSTEMENT CURATIF

 

1. LA SENSIBILISATION

Ici le gestionnaire devient conscient  ou plus conscient  des effets très néfastes d’un haut niveau de stress au travail maintenu longtemps, ainsi que des signes qui annoncent la détérioration de l’humeur ou de l’état de santé des individus particulièrement touchés. Cela l’amène à prendre des responsabilités dans le redressement préventif de la situation.

2. LE REDRESSEMENT PRÉVENTIF

Ici, le gestionnaire s’efforce de réduire le stress négatif au travail (pour lui-même et pour les membres de l'équipe qu'il dirige) et de repérer plus spécifiquement les gens qui montrent des signes de stress excessif, pour les aider (et les inviter à se faire aider) à retrouver leur énergie avant de «tomber» malade. Il s’efforce aussi d’augmenter le stress positif, qui stimule et contribue au plaisir de travailler ainsi qu’à la réalisation professionnelle et à la réussite, – un besoin fondamental chez les êtres humains.

3. L'AJUSTEMENT CURATIF

Ici, le gestionnaire aide les gens que le stress a rendus malades à bien vivre leur convalescence et à achever leur guérison, puis à revenir au travail tout en évitant la récidive.

 

Liste des compétences à développer

La liste suivante propose des actions grâce auxquelles le gestionnaire peut réduire le stress négatif en milieu de travail. Ces actions ne sont évidemment pas toutes nécessaires et, dans de rares contextes particuliers, certaines d'entre elles pourraient même augmenter le stress négatif plutôt que de le réduire.

Nous considérons cependant que, dans la mesure où ils abordent la question du stress avec de la bonne volonté, la plupart des gestionnaires trouveront ici de quoi prendre un peu de recul face à la situation de leur équipe; ils verront aussi plus clairement comment leur propre situation est affectée par «ce qui vient d’en haut», autant en ce qui concerne les commandes qu’ils reçoivent qu’en ce qui a trait à la qualité du respect qu’on leur témoigne. Cette prise de conscience pourrait les amener à changer les choses dans le bon sens, autant pour eux que pour les membres de leur équipe. Il suffit parfois de peu pour redresser les choses.

1. La sensibilisation

Je m'informe des effets et des causes du stress négatif au travail, et je détermine ce qui s'applique à mon contexte de travail.

Je m'informe des services offerts par l'organisation pour laquelle je travaille aux gens qui sont à haut risque de maladie liée au stress excessif dans mon équipe.

Je m'informe des services offerts par l'organisation pour laquelle je travaille aux gens qui sont présentement en arrêt de travail à la suite de stress excessif.

J'informe la direction de l'organisation pour laquelle je travaille de l'ampleur du phénomène du stress négatif dans mon équipe et de l’absentéisme qui lui est dû, et je l'incite fortement à m'aider à apporter les correctifs que je juge nécessaires.

Je sensibilise les membres de l'équipe que je dirige aux effets néfastes du stress négatif au travail, et je m'informe des sources de stress qu'ils trouvent vraiment destructrices ainsi que de celles qu'ils considèrent comme relativement néfastes.

 

2. Le redressement préventif

J'aide chacun des membres de mon équipe à évaluer son niveau de stress et ses risques de maladie, et j'informe ceux qui sont à risque des services (services de santé, PAE, etc.) que l'organisation met à leur disposition.

J'allège temporairement la tâche des gens qui sont à risque de maladie, tout en faisant en sorte qu'ils n'en soient pas humiliés, et j'en parle ouvertement avec eux dans des conversations privées.

Je ne tolère plus l'intolérable, je me fais une «priorité prioritairement prioritaire» de corriger les sources de stress vraiment destructrices dans le service que je dirige (le harcèlement par exemple).

Je me fais une priorité d'identifier et de corriger les sources de stress négatif potentiellement dangereuses dans le service que je dirige (le rythme, les échéanciers, certaines injustices, par exemple).

Avant de prendre mes décisions, je considère toujours l’impact qu’elles pourraient avoir sur le niveau de stress de mes collaborateurs et je décide en toute connaissance de cause. Je reste vigilant à ne pas créer de stress inutile.

L'organisation du travail

Je tiens compte du contrat de travail de chacun des membres de l'équipe que je dirige lorsque j’attribue les tâches.

Je laisse du temps aux gens pour apprivoiser les nouveaux outils de travail.

Je sais diriger mon équipe en fonction des priorités que j'ai ou que nous avons fixées, je ne m'en laisse pas détourner par des caprices, des demandes non fondées ou par des urgences sans grande importance.

Je prends du temps pour écouter les problèmes que les membres de mon équipe vivent au travail, notamment quand ils me parlent de leurs difficultés à livrer la marchandise selon les échéanciers prévus; je tiens compte de ce qu'ils me disent.

Je respecte les employés que je dirige. 

Je respecte les valeurs humaines.

Je sais où je m'en vais; s'il s'avère impossible de le savoir, je n'exige pas que mes collaborateurs travaillent comme si je le savais.

Je me fais un devoir de ne pas affecter de personnel à des tâches qui ne serviront finalement à rien.

J'évite d'imposer un rythme accéléré pendant de longues périodes.

J’incite les gens à prendre leurs pauses et leur temps de repas, je me fais un devoir de les prendre moi aussi.

Je prévois du temps et des ressources pour les urgences imprévisibles ou je comprends que le personnel que j'affecte à des imprévus ne peut faire son travail habituel.

J'essaie d'améliorer mes communications avec les gestionnaires des services avec lesquels le service que je dirige est en lien.

Je m'efforce d'offrir un contexte de travail sain et adéquat, favorable à de bonnes prestations de travail. Je sais qu’il est essentiel que les membres de l’équipe que je dirige aient un sentiment de réussite et de satisfaction quant à ce qu’ils font.

Je m'efforce de connaître les personnes du service que je dirige de façon à distribuer le travail à chacune non seulement selon sa définition de tâche, mais aussi selon ses compétences et selon ce qu’elle aime faire, dans la mesure du possible.

Je m'efforce de doter le service que je dirige de bons outils de travail et je comprends que de mauvais outils ne peuvent donner le même rendement que de bons outils.

Les relations de travail

Je me montre compétent à diriger une équipe, à la fois sur le plan des objectifs de travail et sur le plan humain.

Je ne transmets pas les erreurs d'«en haut» «en bas»: je sais me tenir devant mes supérieurs quand leurs attentes sont irréalistes compte tenu des moyens qu'ils mettent à ma disposition.

Je me montre solidaire des membres de l'équipe que je dirige.

Je peux tolérer des erreurs sans tolérer la médiocrité. 

Je ne laisse pas durer les problèmes internes de l'équipe que je dirige. J’interviens rapidement.

Je m'occupe de résoudre les problèmes de travail concrets qu'éprouvent les membres de l'équipe que je dirige avant de soigner mon image, de m'occuper de mon «avancement», ou de «faire du social».

J'exige de chacun ce qu'il peut donner, mais je ne mets pas de pression indue sur personne.

Je fixe mes objectifs en me basant sur les ressources dont je dispose, même si cela signifie que nous ne pourrons pas satisfaire pleinement tous ceux qui comptent sur nous.

Je réévalue mes objectifs ou mes échéanciers quand les ressources dont je dispose augmentent ou diminuent.

Je suis irréprochable en ce qui concerne l'équité et la justice dans l'équipe que je dirige. J’évite scrupuleusement les abus de pouvoir et le chantage émotif.

J'accepte que les membres de mon équipe aient une vie privée, ce qui peut à l'occasion briser ma planification (absence pour enfant malade, retour progressif au travail après une absence, etc.)

Je clarifie qui répond de quoi à qui. Je clarifie mes attentes.

Je sais voir et souligner les bons côtés des membres de l'équipe que je dirige, je les félicite quand ils le méritent, je vois leurs efforts (pas seulement les retards, les erreurs ou le travail non accompli).

Je «mets mes culottes» face aux employés qui ne font pas leur part du travail, je n'accepte pas que les autres paient pour eux.

Je m'assure que toute délégation de responsabilités vient avec la délégation des moyens de les assumer.

Je considère les membres de l'équipe que je dirige comme des collaborateurs plutôt que comme des «subalternes». Je leur laisse de l’autonomie décisionnelle, c’est à eux que je m’informe en premier des solutions possibles aux problèmes et défis qu’ils vivent ou que l’équipe rencontre.

Je suis humain, même si je sais être ferme et ne pas me laisser manipuler. 

Le réalisme, la cohérence

Je fixe des échéanciers réalistes, et j'accepte de les réviser quand les conditions dans lesquelles ils devaient se réaliser changent.

Je n’accepte pas le parachutage d’échéanciers irréalistes de la part de mes propres supérieurs. Je prends du temps pour régler ce problème avec eux à tête reposée.

Je m'efforce de bien réfléchir avant de fixer mes objectifs de façon à ne pas en changer constamment, même si je sais m'ajuster quand le contexte change.

Je prends le temps d'expliquer le pourquoi des changements qui s'imposent (ou qu’on nous impose).

Je connais la charge de travail de chacun des membres de mon équipe.

Je tiens compte de ce que la charge de travail ne s’évalue pas uniquement en terme de «tâches simples à accomplir» mais aussi de la meilleure façon d’accomplir chaque tâche dans un contexte complexe (de façon à ne pas nuire à l’atteinte d’autres objectifs que nous poursuivons simultanément ou à ne pas se nuire à moyen terme, par exemple.)

Je sais que la satisfaction au travail dépend en bonne partie de sa qualité ; comme une trop grande quantité de tâches amène une réduction de la qualité du travail, je m’efforce de bien mesurer la quantité que je demande.

Je m'efforce de ne pas constamment changer les directives que je donne, même si je sais m'ajuster quand le contexte change.

Je n'accepte pas et je ne donne pas de directives contradictoires.

Je n'accepte pas et je ne donne pas de directives absurdes ou en contradiction avec les objectifs ou la mission de l'équipe que je dirige.

J'évite le plus possible les constants changements de politique.

J'écoute attentivement les idées des membres de mon équipe qui pourraient améliorer le travail ou le climat de travail, et je sais leur expliquer pourquoi je rejette ces idées quand c'est le cas.

Je ne m'approprie pas les bonnes idées des membres de l'équipe que je dirige : je les félicite et les remercie ouvertement.

Je maintiens la motivation, je sais dire comment le travail que nous effectuons a son importance et je le répète souvent.

Je m'efforce de déléguer des responsabilités aux gens qui peuvent en assumer.
Je traite les membres de l'équipe que je dirige comme des personnes, pas comme des numéros.

Je suis très honnête lorsque je procède aux évaluations annuelles des membres de l'équipe que je dirige.

3. L'ajustement curatif

Je laisse les personnes en arrêt de travail terminer leur convalescence, je ne mets pas de pression pour qu'ils reviennent au plus tôt. Je leur fais savoir que je les invite à prendre le temps dont ils auront besoin pour refaire leur santé.

J'accepte que le retour au travail des personnes ayant subi une invalidité longue durée soit un retour progressif, si telle est la décision de leur médecin.

À moins d’indication contraire, je traite les personnes qui reviennent au travail après une invalidité longue durée comme des collaborateurs à part entière, à qui je continue de confier des tâches ou dossiers intéressants et importants. Je leur laisse cependant le temps de reprendre leur place (formation, évolution des choses depuis leur départ, etc.).

Je vérifie dans quelle mesure l’invalidité à pu être causée par des facteurs qui dépendent de l’organisation du travail et je m’efforce de corriger le tout pour que la vie au travail soit plus saine.

Pour conclure

On voit mal en quoi la poursuite de l’objectif gouvernemental de « déficit zéro » ou de celui de
« faire face à la mondialisation » devrait nous amener à perdre la tête ou le cœur. Certaines choses ont certes changé durant les deux dernières décennies, mais il n’était pas inévitable de verser dans l’incohérence, les abus de pouvoir et la dégradation du respect de l’intelligence et des valeurs.

Un être humain en bonne santé mentale souhaite réussir ce qu’il entreprend, faire partie d’une équipe, être apprécié et reconnu. Cela en fait un atout précieux pour toute institution ou toute entreprise, et celles qui l’ont compris restent tout à fait «compétitives». Le retour de la mobilisation des troupes d’une organisation en vue de l’atteinte de ses objectifs ne passera pas par de nouvelles restructurations : il passera pas le respect et l’appréciation des gens. Il passera par l’établissement d’objectifs stimulants et réalisables, en lieu et place du parachutage de responsabilités démesurées par rapport aux ressources existantes auquel nous assistons depuis trop longtemps. Nous ferons aussi ainsi un grand pas vers le retour de la santé et du bonheur au travail.