La version de votre navigateur est obsolète. Nous vous recommandons vivement d'actualiser votre navigateur vers la dernière version.

La démarche typique de traitement du stress vécu au travail s’appuie sur un bon diagnostic. Vient ensuite un plan de soin pour l’individu touché, plan qui inclut la détermination des causes individuelles et des causes organisationnelles qui, elle, mènera à l’apport de solutions durables.

La prévention pourra se faire selon le même devis: identification de la gravité du problème, détermination de ses causes, mesures correctives aux plans individuel et organisationnel.

Nous verrons ici comment faire un diagnostic individuel et aborderons chacun des autres thèmes dans les prochains numéros de Travail et santé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le diagnostic du stress : première étape du traitement

Par : Jacques Lafleur, psychologue


Paru dans Travail et Santé, Vol 22, no 3, septembre 2006, révisé en février 2017


Le stress peut nous tuer. Il peut aussi rendre très malade et briser des vies. Une étude récente (1) montre par exemple que, en ce qui concerne l’infarctus du myocarde, son importance comme facteur de risque est comparable à celui du tabagisme. Et comme un stress élevé porte de plus à mal manger et à être sédentaire, il a aussi un effet négatif sur les autres facteurs de risque de l’infarctus, comme l’hypertension artérielle, le diabète ou encore de haut taux de cholestérol. En pratique, cela signifie qu’il est beaucoup plus risqué, en ce qui concerne la santé cardiaque, de vivre avec trop de stress que de fumer.

Mais il n’y a pas que le cœur. Comme on le sait, le stress excessif est aussi étroitement associé aux problèmes de santé mentale. En fait, en trouvant naissance dans les régions les plus primitives du cerveau, les réactions biologiques associées au stress atteignent tous les organes du corps, dont le cerveau. Les gens stressés ont donc la plupart du temps une panoplie de symptômes physiques et psychologiques plus ou moins grands, qui vont de l’insomnie à l’infarctus, en passant par les problèmes gastriques, les difficultés de concentration ou même la perte de confiance en soi. En clinique, on retrouvera le plus souvent entre 60 et 70 symptômes de stress chez les gens épuisés ou au bord de l’épuisement.

Une réaction de stress peut être très vive tout en étant brève et sans grande conséquence  quand on évite un danger de justesse, par exemple. Si l’on est confronté à des difficultés persistantes ou récurrentes, elle pourra cependant durer beaucoup plus longtemps et causer des dommages importants au sentiment de joie de vivre et à la santé. Les restructurations fréquentes, le dénigrement, les surplus de tâche chroniques, le manque de reconnaissance, la perte d’autonomie décisionnelle, la pression continue, le rythme effréné, les conflits interpersonnels qui perdurent, l’impossibilité de faire son travail de façon satisfaisante ou encore les difficultés à concilier vies personnelle, familiale et professionnelle sont des exemples de ces demandes d’adaptation  stressantes  qui peuvent engendrer malaises et maladies chez les gens touchés. Le stress vécu au travail peut aussi, bien sûr, s’ajouter à celui qui vient de la vie personnelle ou familiale. Il n’est pas rare que les gens stressés se sentent coincés de partout.

Le diagnostic.

L’effet du stress est comparable à celui qu’aurait une augmentation du courant électrique dans nos maisons : tous les appareils fonctionneraient encore pendant quelque temps, mais chacun montrerait des signes de cette surchauffe (lumières plus brillantes, four chauffant plus rapidement, moteur d’aspirateur tournant plus rapidement, etc.), jusqu’à ce que certains finissent par « sauter ». Le stress a un peu cet effet dans l’organisme: tout fonctionne avec un peu plus d’intensité ou de contraction, jusqu’à ce que la fatigue se généralise et que certains organes montrent des signes de défaillance. Le diagnostic s’appuiera donc sur la nature des symptômes, leur quantité et leur intensité.

La nature des symptômes:

Chez la plupart des gens, les premiers symptômes à apparaître sont la tension musculaire, la fatigue et l’insomnie. Ces premiers signes s’accompagnent rapidement de problèmes physiques, soit digestifs, cardiovasculaires, immunitaires ou musculo-squelettiques par exemple. Des troubles psychologiques seront également présents, tels l’irritabilité, l’anxiété, les difficultés de concentration, une perte de la joie de vivre, de la motivation ou de la confiance en soi. Ces symptômes sont très variables d’un individu à l’autre. Si le stress est intense et qu’il est maintenu sur une longue période, on verra immanquablement apparaître des troubles anxieux comme la panique, les phobies ou l’obsession, de même qu’une gamme de sentiments dépressifs.

La quantité des symptômes

La majorité des personnes souffrant de stress ressentiront au moins une quarantaine de symptômes à des degrés divers. Il convient donc de repenser l’idée selon laquelle tout symptôme pour lequel le médecin ne trouve pas de cause serait lié au stress, ainsi que celle qui veut que, si on trouve une cause organique au symptôme, le stress n’est pas impliqué. La vérité est que si on dénote plus de quarante symptômes et qu’on peut les relier à des situations stressantes qui perdurent, il y a lieu de croire que chacun est en partie lié au stress, même si, médicalement, on peut les traiter séparément. Dans les cas où un symptôme est apparu seul et que la personne a plein contrôle sur sa vie, le stress n’est fort probablement pas en cause. Les réactions biologiques de stress ne mènent donc pas à des symptômes imaginaires : elles conduisent à des maladies réelles, qui peuvent aller jusqu’à provoquer la mort! D’où l’importance de s’en occuper!

L’intensité des symptômes

Il est assez rare qu’on ne trouve chez un individu qu’un seul symptôme de stress intense. La plupart du temps, plusieurs symptômes comme l’insomnie, l’irritabilité, des maux de dos, des tensions dans la nuque ou la fatigue augmenteront en intensité pendant que d’autres, moins forts, continueront d’apparaître. La frustration, le découragement, des problèmes digestifs occasionnels, la perte de la confiance en soi ou encore le désir de tout fuir sont des exemples de ces symptômes moins agressifs. Le processus d’augmentation de la quantité et de l’intensité des symptômes se fait le plus souvent en dents de scie sur une période de plusieurs mois, sauf dans les cas où la cause du stress arrive subitement. La perte du conjoint représente un bon exemple de stress dont l’arrivée est subite.

Des outils pour le diagnostic du stress

Le lecteur intéressé peut consulter le millepattes pour obtenir une version du questionnaire «Observer ses symptômes de stress» paru dans notre premier ouvrage  écrit avec le docteur Robert Béliveau. Dans notre prochain article (Évaluez votre niveau de stress à l'aide du millepattes), nous en présenterons une version simple à utiliser pour faire sa propre évaluation ou pour aider d’autres personnes à faire la leur si on est un professionnel de la santé. Nous verrons aussi comment il convient de réagir à court terme si ce questionnaire révèle un haut niveau de stress et, par la suite, comment mieux prendre conscience de ce qui se cache derrière ces symptômes. Nous verrons alors mieux les actions à entreprendre à moyen terme pour retrouver un meilleur équilibre physique et psychologique et prendrons conscience de ce à quoi notre employeur pourrait remédier si nous concluons qu’il est en cause.

(1) Salim Yusuf, Steven Hawken, Stephanie Ôunpuu, Tony Dans, Alvaro Avezum, Fernando Lanas, Matthew McQueen, Andrzej Budaj, Prem Pais, John Varigos, Liu Lisheng, "Effect of potentially modifiable risk factors associated with myocardial infarction in 52 countries (the INTERHEART study): case-control study," The Lancet, vol. 364, no 9438, 11 septembre 2004.