La version de votre navigateur est obsolète. Nous vous recommandons vivement d'actualiser votre navigateur vers la dernière version.

Si la fatigue est le plus souvent la conséquence d’une trop grande dépense d’énergie, elle peut aussi être reliée à autre chose. En fait, il existe plusieurs types de « fatigues », chacune ayant ses remèdes spécifiques. Quand le repos mais encore faut-il accepter d’en prendre  ne donne pas de résultat, il peut donc être intéressant de chercher à savoir pourquoi la fatigue persiste. Mais attention : les résultats de cette recherche pourraient s’avérer quelque peu dérangeants...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fatigué? Ce n’est pas drôle, mais au moins, c’est... normal!

Par : Jacques Lafleur, psychologue


Paru dans Travail et santé vol 26 no 1, mars 2010, révisé en février 2017

 

À la question « Comment allez-vous? », on entend de plus en plus souvent la réponse « Bien merci, mais je suis fatigué ». La cause la plus évidente en est la dépense d’énergie, elle-même en lien avec la course quotidienne à laquelle se livrent bien des gens pour arriver à livrer la marchandise tant au travail qu’à la maison.

Déséquilibre « dépense d’énergie/repos »

La fatigue est souvent la conséquence du déséquilibre flagrant qu’impose une vie essentiellement remplie d’obligations. Le repos, trop souvent vu comme une perte de temps, gagnerait à être considéré comme l’espace nécessaire à la régénération d’énergie. Pour réduire la fatigue liée à un déséquilibre entre les occupations et le repos, on rétablira... un meilleur équilibre : pauses, sommeil suffisant, autorisation à s’accorder du repos chaque soir, durant la fin de semaine et durant les vacances, même si tout n’est pas terminé. Le repos est moins le lamentable vice des paresseux qu’un besoin fondamental quotidien pour tous.

Si notre vie se résume à une interminable suite de tâches, on aura aussi avantage à reconsidérer la liste de nos obligations (voir Le véritable enjeu de nos obligations). On pourra se rappeler que, dans une vie saine, on se lève le matin reposé et disposé à entreprendre avec un relatif enthousiasme une journée qui a du sens. Il est normal de ressentir de la fatigue à certains moments, mais il est important que cela reste transitoire.

Le coût de l’énergie

Avec la même quantité d’essence, on fait aujourd’hui beaucoup plus de kilométrage qu’il y a 20 ans. Pourquoi? Parce qu’on a amélioré la qualité de l’essence et le rendement des moteurs, on a diminué le poids des véhicules et les automobilistes ont quelque peu réduit la vitesse à laquelle ils roulaient.

Le corps, lui, utilise deux types de carburants. Jusqu’à un certain seuil de dépense d’énergie, c’est le glucose qui assure la contraction des muscles. Il est relativement économique en ce qui concerne la fatigue, au sens où on peut poursuivre longtemps une activité qui ne nous demande que ce type de substrat énergétique. C’est le cas de l’activité dite aérobique. Au-delà de ce seuil, on passe à un autre type de carburant qui, lui, donne rapidement un sentiment de fatigue.

C’est la capacité aérobique de chacun qui détermine le seuil de passage d’un carburant à un autre. Celle d’un marathonien est beaucoup plus élevée que celle d’une personne qui peut difficilement monter cinq marches sans être essoufflée. Une journée normale fatiguera beaucoup plus notre sédentaire que notre marathonien, simplement parce que la première risque beaucoup plus souvent d’utiliser une essence qui brule en laissant une fatigue musculaire. En pratique, on sait tous qu’une personne physiquement en forme se fatigue beaucoup moins facilement qu’une personne « qui se traîne ».

En fait, dans le corps, la qualité de l’essence utilisée et la capacité à utiliser l’essence de façon économique relèvent relativement du même processus : la bonne forme physique. Activités aérobiques et, dans une moins grande mesure, musculation et étirements sont donc à mettre à l’ordre du jour à qui souhaite réduire son sentiment de fatigue. On y gagnera aussi un meilleur sommeil et une diminution du stress. Attention cependant : trop, c’est comme pas assez. On peut être fatigué parce qu’on s’en demande trop au plan physique.

Pour terminer l’analogie avec l’automobile, disons qu’on pourrait peut-être avoir avantage à réduire son poids ou à diminuer la vitesse à laquelle on roule? Il peut y avoir de grandes économies d’énergie à faire là aussi...

Le stress et la fatigue

La réaction biologique de stress met en jeu des hormones qui augmentent la vigilance. Aussi longtemps qu’il flaire le loup qui rôde, le chevreuil est musculairement tendu, il reste aux aguets, il dort superficiellement. Le stress nous fait ainsi perdre la sérénité pour nous amener du côté de la tension. Il est le plus souvent lié à un sentiment de menace diffus, plus psychologique que physique : peur de ne pas arriver à livrer la marchandise, peur de recevoir des reproches, peur de la maladie pour soi ou pour d’autres, peur d’un changement qui s’annonce, peur de perdre des proches, des situations ou des choses.

En période de stress, les muscles se trouvent tendus par le jeu des hormones impliquées; c’est un peu comme si on avait constamment un poids lourd sur les épaules. Même si elle est involontaire, cette tension musculaire crée de la fatigue. De plus, contrairement à ce qui se passe quand on soulève un objet lourd et qu’on finit par le déposer, le stress garde constamment ce poids sur nos épaules, et ce, aussi longtemps que la menace n’est pas passée. Dans certains cas, la lutte pour régler la situation stressante n’a toujours pas donné de résultat alors que la personne arrive au bout de ses forces : c’est l’épuisement, le burnout. (voir le poids allostatique)

La fatigue peut donc être la conséquence du stress, car ce dernier mène à dépenser beaucoup d’énergie tout en rendant le repos moins efficace.

On peut résumer les remèdes au stress de la façon suivante :

  • -  Au plan physique, on met au programme activité physique, repos et relaxation, on évite de surconsommer des excitants tels que caféine, nicotine, cocaïne, alcool et sucre. On se donne une alimentation saine, on soigne les malaises ou maladies les plus patentes comme l’insomnie par exemple.

  • -  Au plan psychologique, on prend du recul pour mieux cerner la ou les situations stressantes et pour leur apporter des solutions durables. Soit en agissant de façon plus efficace, soit en changeant d’attitude ou encore en lâchant prise si on réalise que la situation est moins importante que ce qu’on avait cru de prime abord.

     (Voir stress: mode d'emploi)

Fatigue, ennui, lassitude, etc.

Certains enfants, qui ont l’air d’avoir cent ans quand il s’agit de se préparer à partir pour l’école, se retrouvent tout à coup avec une énergie débordante pour aller jouer le samedi matin. La fatigue peut ainsi trouver sa source dans le manque d’intérêt.

Si certaines personnes, des introverties le plus souvent, se sentent bien à passer beaucoup de temps dans le calme et se fatiguent rapidement dans le changement et les situations stimulantes, d’autres ont besoin de cette stimulation extérieure pour se sentir énergiques et vivantes. Dans la routine, elles s’ennuient. Leur sentiment de fatigue tient à ce que leur énergie, ne trouvant pas de voie pour s’extérioriser, reste bloquée. Elles ont besoin de défis, de sorties, de plaisirs, de changement pour se sentir vivantes. Il peut sans doute être fatigant d’être constamment en mouvement, mais le sentiment de vide lié à l’absence de stimulation crée une lourdeur très proche de la fatigue. Alors qu’on se sent fatigué, on peut en effet retrouver une belle énergie si on nous présente quelque chose d’intéressant à faire ou une activité motivante dans laquelle on peut s’impliquer. (Voir Le lièvre et la tortue)

Le déséquilibre « dépense d’énergie/repos » peut donc expliquer la fatigue d’un côté comme de l’autre : une surdose de repos, au sens large, et un manque de stimulation ou d’intérêt diminuent aussi le niveau d’énergie. Au quotidien, cela se nomme ennui. À plus long terme, cela s’appelle stagnation : le processus de développement personnel est compromis. La stagnation dans une vie « plate » éteint la motivation et, sans cette force intérieure pour nous propulser, on se sent sans énergie, fatigué.

On peut même se retrouver avec une dépense d’énergie beaucoup trop grande pour le repos qu’on se donne malgré qu’on ne trouve finalement que peu ou pas d’intérêt à la plupart des choses qui jalonnent nos journées. Ici, la fatigue et le sentiment d’aliénation se combinent. De plus, si la fatigue est grande, la perte d’intérêt augmente elle aussi parce qu’une fatigue importante agit biologiquement sur notre cerveau d’une façon qui nous amène à ne plus rien trouver d’intéressant. Les gens qui ont fait un burnout en savent quelque chose.

Dans le même ordre d’idée, la fatigue peut aussi venir de la lassitude qu’on ressent quand on reste encore et toujours confronté à un même éternel problème qui ne se règle jamais. Le sentiment d’impuissance devant ce qui semble être une impasse finit par démobiliser l’individu, le faire abdiquer puis par l’éteindre. Même le simple fait de penser à la situation fait perdre toute énergie. Fatigué ou... découragé? Fatigué ou... bloqué dans un cul-de-sac?

Notre vie est-elle intéressante, a-t-elle du sens? Sommes-nous motivés par nos projets quotidiens? Avons-nous abdiqué à contrecœur devant des difficultés qui nous semblaient insurmontables? Avons-nous le sentiment que notre flamme s’est éteinte? Portons-nous une honte ou un sentiment de culpabilité qui nous interdit de nous sentir vivants et heureux? Manquons-nous de la confiance en soi indispensable à qui veut s’investir dans tout défi? Certains évènements malheureux de notre vie nous ont-ils laissés avec une peine ou une blessure qui nous empêche de nous engager pleinement dans des projets qui risqueraient de les raviver? Nos réponses ici pourraient nous amener à trouver des solutions à la fatigue qui soient bien différentes du repos.

Maladie

De la grippe au cancer, toutes les maladies créent de la fatigue. Certaines comme l’anémie, l’hypothyroïdie, la dépression, l’insomnie, la fibromyalgie et l’encéphalite myalgique, par exemple, peuvent avoir un impact fulgurant sur la fatigue. En ce sens, une fatigue importante et constante devrait nous amener à consulter en médecine. Attention cependant aux antidépresseurs comme seule et unique solution.

La fatigue : un signe

La fatigue n’est pas forcément la malédiction des temps modernes. On peut la voir comme un signe, même si ce signe n’est pas toujours facile à décoder. L’interprétation la plus simple, c’est de la considérer comme la conséquence de l’effort. Ici, le remède est le repos, car, en l’absence de maladie, la fatigue ne persiste pas dans une vie intéressante ou effort et repos sont bien balancés.

Mais, tout en dévalorisant le repos, la société dans laquelle nous vivons présentement nous invite très fortement à adopter un mode de vie où le temps manque pour arriver à tout faire; on peut donc comprendre que beaucoup de gens soient au moins un peu fatigués : c’est la vie. Pour retrouver sa pleine énergie, on aura avantage à accorder un peu plus de place à tout ce qui est sommeil, loisir calme, hobby, promenade, yoga, temps libre, divertissement, créativité ou ressourcement. Comme la fatigue, le repos peut en effet lui aussi se présenter sous divers angles.

Mais la fatigue peut aussi être le signe d’une souffrance psychologique à ne pas avoir de place dans la vie, à ne pas avoir la place qu’on voudrait ou encore à ne pas se sentir pleinement autorisé à vivre sa vie. Ici, elle vient d’un effort intérieur constant, mais le plus souvent inconscient, par lequel on se retient d’être ce qu’on est et d’aller vers ce qui nous attire. Cela mène à se confiner dans une petite vie plate ou encore à dépenser beaucoup d’énergie dans une vie extérieure exigeante, sans permission de se reposer, mais sans que cela ne touche à l’essentiel de notre être, qui reste triste à un niveau profond. C’est un peu comme si on se sentait vaguement en attente d’une libération qui nous semble inaccessible. On peut parfois le voir quand des gens laissent leur emploi parce qu’ils n’y trouvent pas de sens : cela crée une sorte d’envie chez ceux qui se sentent obligés de rester, comme s’ils n’avaient pas le droit, eux, de quitter ce qui emprisonne leur force de vie.

Le fait de se sentir coincé jour après jour et année après année dans un emploi qui ne nous convient pas, ne nous convient plus ou ne nous a jamais convenu agit comme un puissant éteignoir. Le résultat en est un manque d’énergie important, souvent ressenti non pas comme une fatigue après effort, mais comme une fatigue de fond. Quand le cœur n’y est pas, on se sent comme si le ressort était brisé. Et il est rare qu’une personne plus ou moins éteinte par son travail retrouve une énergie éclatante à la maison...

Le remède est ici moins évident à trouver et à appliquer. Mais comme il s’agit de libérer sa force de vie, il vaut la peine d’y investir du temps. Il y a des solutions.

En conclusion

Le «Ça va bien, mais je suis fatigué» aurait avantage à être changé par «Ça va bien parce que je suis de moins en moins fatigué». L’impact positif sur la santé physique et mentale, à court et à long terme, serait très positif.

Pour y arriver, il vaut souvent mieux regarder du côté de sa vie que de celui des vitamines. Commençons par faire de la place au repos et par augmenter la forme physique. Puis regardons aussi du côté de notre vie intérieure. Sait-on jamais, on y trouvera peut-être un petit geyser qui attend sa libération.