La version de votre navigateur est obsolète. Nous vous recommandons vivement d'actualiser votre navigateur vers la dernière version.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des équipes efficaces et... heureuses!

 Par: Jacques Lafleur, psychologue

Paru dans Travail et santé,, Vol 34 no 4,  décembre 2018

 

Toute organisation a une mission et des objectifs. Et toute personne en bonne santé mentale veut donner du sens à sa vie, notamment en poursuivant certains objectifs. L’équipe de travail peut donc se révéler le lieu de rencontre des objectifs des gens et de ceux des organisations. Et cette rencontre sera heureuse si elle respecte quelques conditions...

 

Les organisations

 

La raison d’être des organisations est de produire les biens et services dont une population a le désir ou le besoin. Au niveau le plus noble, une organisation a une mission, elle veut vraiment faire du bien dans le monde et, pour ce faire, elle va produire des choses ou offrir des services.

Cette production s’articule autour d’objectifs, lesquels définissent ce que l’organisation veut réaliser concrètement. Pour arriver à les atteindre, elle devra arriver à coordonner les activités de nombreuses personnes qui travailleront à les réaliser, réparties en différentes sphères comme la gestion, la comptabilité, la production, les achats, les ventes, la recherche et le développement, etc. Évidemment, elle gagnera à ce que tous ces sous-objectifs servent l’objectif premier et la mission de l’organisation.

Ses possibilités d’atteindre ses objectifs s’articuleront autour des compétences des gens, capables ou non de bien faire leur partie du travail ainsi que du climat de travail et de la culture de l’organisation. Plus le climat de travail et les procédures seront en harmonie avec ce qu’en attendent les employés, plus l’énergie de ces derniers sera mobilisée. De plus en plus, les organisations vérifient cette adéquation lors de l’embauche.

L’organisation aura des équipes pour chacun des objectifs, sous-objectifs, sous-sous-objectifs, etc. Ces objectifs seront clairs et l’organisation fournira à ses équipes les moyens de les réaliser. Les gens gagneront aussi à garder en tête la mission et l’objectif premier de l’organisation, ce qui donnera davantage de sens à leur travail en leur remémorant que, chaque jour, ils apportent leur contribution à quelque chose qui est utile et fait du bien dans le monde.

 

L’équipe de travail.

On peut parler d’équipe de travail quand des personnes collaborent pour atteindre un objectif dont la réalisation sert autre chose que leur propre intérêt. On a donc trois dimensions : un groupe, un objectif commun partagé et de la collaboration consciente.

 

1. Un groupe.

Tout groupe est formé d’au moins deux personnes. Ainsi en va-t-il d’une équipe. Le groupe n’est pas limité en ce qui concerne un nombre maximal de personnes mais, compte tenu des autres caractéristiques des équipes, on peut difficilement fonctionner en équipes stables si on est plus d’une quinzaine de personnes. On peut alors cependant fonctionner en sous-équipes avec des représentants qui formeront une équipe.

 

2. Un objectif commun partagé dépassant l’intérêt propre de chacun des membres.

L’existence même d’une équipe est liée à la poursuite d’un objectif que tous les membres partagent au moins minimalement. Que faisons-nous ensemble, que voulons-nous réaliser? Sans objectif commun partagé, il y a bien un groupe, mais pas une équipe. Dans le cas d’une équipe de travail, l’objectif poursuivi dépassera l’intérêt immédiat de chacun des membres, ce qui n’est pas le cas quand des gens forment équipe pour préparer ensemble un voyage, par exemple. La participation d’une personne à une équipe peut répondre à plusieurs de ses objectifs personnels, dont un salaire, des contacts humains, des possibilités d’accomplissement et de développement personnel, des possibilités de développement de carrière, mais l’objectif commun de l’équipe de travail se situe au-delà de l’intérêt des personnes prises individuellement. On met l’épaule à la roue pour plus grand que soi, même si on peut tirer profit personnellement d’autres choses qui accompagnent son investissement au travail.

 

3. De la collaboration consciente.

Dans une équipe, on collabore avec les autres à la réalisation de l’objectif commun en s’entraidant consciemment. Des gens qui attendent l’autobus ou vont à un concert ont bien un même objectif mais ils ne s’entraident pas; ils ne forment donc pas une équipe. Les personnes qui préparent les costumes et celles qui travaillent à la prise de son dans un film collaborent toutes à la réalisation de la production, mais elles ne forment pas à proprement parler une même équipe, parce qu’il n’y a pas d’entraide directe. Pas plus que ce n’est le cas d’étudiants qui, devant réaliser un travail dit d’équipe, se partagent le travail rapidement et remettent chacun leur partie terminée à celui dont le travail va consister à mettre tout ça ensemble. Il n’y a pas d’entraide entre les étudiants, même si chacun fait sa part. Pas d’entraide, pas d’équipe!

On ne peut pas former équipe avec un photocopieur, même si ce dernier contribue à la réalisation de notre objectif. Dans une équipe, il y a une collaboration consciente entre des personnes; on n’y fonctionne pas chacun de son côté en profitant de ce que les autres ont fait tout en ignorant leur personne. Dans une équipe, on se préoccupe non seulement des objectifs et des tâches, mais aussi des personnes. La partie du travail qui nous est assigné dépend du travail des autres et cette dépendance appelle une collaboration, littéralement un co-labor, c’est-à-dire un travail ensemble.

L’idée n’est pas nécessairement de devenir des amis. Mais il doit y avoir une forme de relation qui intègre de l’appréciation, du respect, un désir d’entraide, un certain plaisir à être ensemble et une certaine connaissance de l’autre. Il y a un lien humain, qu’on n’a pas avec un photocopieur.

 

Des individus

 

Tout individu en bonne santé mentale fait de son mieux pour répondre à ses besoins. En psychologie, l’école humaniste affirme que nous avons tous des besoins de base liés à la survie physique et à la sécurité. Nous avons aussi besoin de liens sociaux, d’apprendre des choses et de faire quelque chose dans le monde, le tout nous amenant à nous réaliser comme personne.

Par ailleurs, si nous avons tous ces mêmes besoins, nous avons chacun notre sensibilité particulière : Mozart n’est pas Churchill. Chacun a sa façon propre de se développer, en fonction de ses talents, de ses motivations, de son énergie, de ses valeurs, etc.

Toute équipe de travail est forcément constituée de gens qui ont des besoins d’êtres humains en commun mais qui ont aussi des façons d’y répondre qui peuvent être plus ou moins différentes. Cela peut constituer un atout comme un obstacle, selon la façon avec laquelle on concilie les disparités. Ou bien on en profite et on utilise les gens là où ils se sentent le mieux et où ils sont le plus efficaces, ou bien on bloque l’énergie vitale de plusieurs en imposant le même rôle à tout le monde.

Idéalement, l’objectif commun est connu et tout le monde y adhère. Mais chacun garde la possibilité d’être lui-même, de trouver sa place dans l’équipe tant au niveau personnel que professionnel.

 

Un exemple?

Une bonne équipe de sport professionnel sera constituée de joueurs partageant l’objectif commun qui est habituellement de gagner, lequel sera plus important que l’intérêt propre de chacun à être une vedette ou à être choisi joueur de l’année. Les joueurs auront des rôles spécifiques, comme défenseurs ou attaquants par exemple, mais ils partageront une vision commune, l’équipe aura un style. Ce style sera clairement défini, les joueurs devront y adhèrer. Elle aura aussi des stratégies particulières associées à ce style pour marquer des points ou éviter de s’en faire compter. Encore là, tous les joueurs travailleront ensemble à intégrer ces stratégies dans leur jeu, même ceux qui, individuellement, trouveraient que d’autres stratégies mèneraient mieux l’équipe à l’objectif. Pour donner des résultats, une stratégie doit rallier tout le monde.

Même si elle gardera son style, l’équipe définira aussi pour chaque partie un plan de match, qui pourra varier en fonction de l’adversaire et occasionnellement l’éloigner quelque peu de son style habituel. Chacun pourra apporter des améliorations au plan de match mais, au final, des décisions devront être prises auxquelles tous se rallieront parce que l’objectif de gagner suppose qu’on travaille ensemble dans la même direction. Il y aura convergence des efforts, synergie.

Cela dit, pris individuellement, certains joueurs seront plus sociaux ou plus réservés, rigolos ou sérieux, bien organisés ou éparpillés, leaders ou préférant suivre, téméraires ou prudents, suivant scrupuleusement les règles ou risquant parfois l’improvisation, etc. Une équipe efficace saura profiter de toutes ces caractéristiques en utilisant chacun à la bonne place au bon moment. C’est dans les réunions d’équipe que cela se décidera, pas pendant les matchs.

Mais on ne parle ici que de l’équipe des joueurs. Cette équipe est forcément en lien avec d’autres personnes ou équipes : le médical, les recruteurs, la gestion des finances, la publicité, les achats d’équipement, la location des stades, etc. ainsi qu’avec la ligue. Toute équipe est forcément en lien avec d’autres, sans lesquelles elle ne pourrait ni fonctionner ni même exister. Il est du rôle des gestionnaires d’assumer les liens entre les équipes et entre les équipes et l’organisation.

 

En résumé

 

Idéalement, une équipe de travail répond à la fois aux besoins de son employeur et à ceux de ses membres. Pour ce faire, elle bénéficiera de plusieurs caractéristiques, chacune ayant plus d’importance que d’autres pour les individus en fonction de leur propre sensibilité. En voici les principales:

 

Une mission engageante et des objectifs stimulants, dont la réalisation suppose une culture et des procédures favorables à ce que les gens puissent trouver de quoi répondre à leurs besoins relationnels et de réalisation personnelle. Cela crée un engagement, un sentiment d’appartenance, une solidarité capable d’amener les gens à réaliser ensemble des choses qui dépassent leur seul intérêt personnel.

Les gens coopèrent à la tâche en fonction de leurs compétences, s’entraident et se soutiennent les uns les autres, ce qui suppose de la communication, du respect et de l’appréciation mutuelle.

Un climat d’ouverture et de respect permet à chacun de s’exprimer et de participer aux décisions, mais le désir de réaliser l’objectif commun conduit les gens à se rallier au besoin de stratégies communes.

Rôles et responsabilités sont clairement définis et on utilise les personnes en fonction de leurs compétences et sensibilités particulières, les sociaux étant davantage aux ventes et les penseurs à la planification, par exemple. Les stratégies, règles et procédures sont aussi connues et tout le monde y adhère. Cela dit, le fonctionnement peut être révisé quand des changements externes surviennent ou qu’on se rend compte qu’il vaudrait mieux fonctionner autrement.

Il y a coordination des efforts et elle est assurée par quelqu’un qui a des capacités d’organisation et de synthèse ainsi que de l’intérêt pour les gens. La coordination assure le lien entre les gens et la réalisation de l’objectif, et aussi entre les gens dans l’équipe. Elle est donc assumée par quelqu’un qui sait non seulement où l’on va, mais aussi comment on y va, où on est rendu et qui fait quoi, qui a fait quoi et qui fera quoi. Et cette personne sait le communiquer à tous les membres de l’équipe. Elle est aussi sensible aux personnes, aux désirs et aspirations de chacune et, dans la mesure du possible, attribue à chacune des tâches, des rôles et des possibilités de développement en harmonie avec ses attentes. C’est ici le rôle qu’assume un instructeur dans une équipe sportive.

Ce rôle est différent de celui du gestionnaire de l’équipe qui, lui, fait le lien entre l’équipe et l’organisation ainsi qu’entre l’équipe et les autres équipes. Dans une équipe sportive, c’est le gérant général. Il gère l’embauche, le budget, transmet les politiques vers l’équipe et les résultats des travaux vers l’organisation, gère les conditions de travail et l’aspect administratif du fonctionnement. La gestion est la gardienne des objectifs, mais aussi des possibilités et contraintes dans lesquelles l’équipe doit fonctionner. Malgré d’éventuels différents, coordination et gestion doivent manifestement travailler ensemble.

 

Équipes efficaces et heureuses

 

Si on veut atteindre des objectifs par convergence des efforts, il faut nécessairement se parler. C’est le sens même des réunions que de se communiquer des informations et de prendre des décisions en ce qui concerne la suite des choses. Nous y reviendrons dans un prochain article. Pour l’instant, retenons qu’une équipe efficace sait où elle veut aller et dispose des moyens qui permettent d’y arriver. Même si ses objectifs dépassent l’intérêt personnel de chacun de ses membres, son fonctionnement permet à chacun de répondre à ses besoins relationnels, de développement et de réalisation. C’est alors aussi une équipe heureuse. Et une équipe heureuse est motivée et, de ce fait, d’autant plus efficace.